Selling my soul would be a lot easier if I could just find it. + Bran

Ce n'était pas qu'il avait abandonné tout espoir d'être un type, c'était juste qu'il n'avait même plus le temps de penser à en devenir un. Il fallait dire que Ryan avait passé ses deux dernières années à s'arracher la tronche à toutes les substances possibles et imaginables. Il avait même essayé la colle quand il était vraiment en rade d'argent et que ses muscles tremblaient tellement que c'était la seule échappatoire qu'il avait trouvé. Et contrairement au mythe, il n'avait pas été stone pour un sou. Il avait juste eu un mal de crâne de folie après coup, point barre. Le problème, quand on était un junkie, c'était qu'on se complaisait vachement dans ce rôle. Au début, on se dit que ça ne durera qu'un temps, qu'on est plus forts que les autres et qu'on peut se sortir de là en claquant des doigts... Ouais, on est invincibles. Dans ses rêves peut être. Au final, chaque personne tombait dedans à vouloir jouer aux super héros invisibles. Ryan n'avait pas fait exception, il avait commencé avec un joint à seize piges et près de vingt ans plus tard, la drogue inhalée était légèrement plus difficile à digérer pour un corps déjà bien fragilisé. Peu importait, ouais. Quand on était un junkie, c'était qu'on avait un mal fou à se supporter au jour le jour. Là où les gens un poil plus normaux trouvaient leur libération dans l'alcool, les gens comme Ryan avaient besoin de plus, ils avaient besoin de délirer, de changer de nom, de se croire sur la Lune pour supporter la réalité de leur vie plus que médiocre. Heureusement dans toute cette histoire, Berkley n'avait jamais été seul bien longtemps. Dès qu'on prononçait le mot dope à moins d'un mètre de lui, la face de Mason sortait de derrière le placard avec une idée complètement pourrie en tête pour se fournir sans trop se fatiguer. Sauf que chaque idée de plus les avait foutus bien dans la merde. Les deux potes s'étaient fait des ennemis franchement peu recommandables en voulant jouer les junkies intelligents et à l'heure actuelle, un bon quart de la population criminelle voulait leur casser tous les os du corps à cause de leur connerie notoire. Il n'était pas con, Ryan, il avait juste le cerveau un peu plus allumé que la moyenne, ce n'était peut être pas des conneries ce qu'on disait sur la consommation de drogues avant la vingtaine, ça vous rendait un type normal dingue. Dans le cas de Berkley, ça l'avait surtout rendu nul à chier à l'école et il n'avait même pas eu le bac. Belle réussite. Et comme un abruti, il s'était dit que ce n'était pas franchement grave et qu'il ferait quelque chose d'autre de ses dix doigts comme devenir une rock star, ou quelque chose du genre... Douce utopie vu qu'il vivait aux crochets de Mickey et des plans réussis de Bran' depuis. Et par dessus le marché, Mase était aux abonnés absents alors il était le seul abruti en danger s'il se trouvait nez à nez avec un type qu'ils n'avaient pas encore pu rembourser... Comme s'ils allaient pouvoir le rembourser un jour d'ailleurs.

M'enfin, Ryan avait encore un infime espoir au milieu de ce fichu trou noir. Chaque jour qui passait, il s'enfonçait un peu plus dans sa connerie et aujourd'hui ne faisait pas tellement exception. Il avait entendu parler d'un échange en bonne et due forme dans un parc en ville. Bien entendu, il avait eu envie de jouer au malin, prendre la place d'un des types pour recevoir la dope en lui taxant l'argent dans le même temps... Sauf qu'il avait beau avoir l'idée, Ryan savait fort bien que le tout semblait hors de portée. Il avait besoin d'une expertise et la seule qu'il avait sous la main, c'était ce sacré Reynolds. Lui, c'était un as. Avant qu'il rende son tablier parce que quand on se tapait un flic, il fallait apprendre à faire profil bas. Comme si Ryan allait accepter cette défaite. Hors de question. Pour lui, Bran n'arrêterait pas de faire ce en quoi il était le meilleur: rouler son peuple dans la farine. Ouais, Berkley avait besoin de ce bon vieux roublard et maintenant. En feintant le type innocent de base, il avait téléphoné au bon vieux Reynolds, prétextant qu'il avait bousillé son vélo au parc et qu'il avait besoin qu'on vienne le chercher. Oui, parce qu'en plus de ça, c'était un assisté qu'avait foiré son permis. Sa vie, sérieusement. Bon, Bran avait gueulé deux minutes forcément mais il avait accepté le deal, en ronchonnant. A croire qu'il avait trop fréquenté Mickey et qu'il déteignait vachement sur Reynolds mais Ryan avait arrêté de se poser des questions depuis longtemps. Assis sur son banc, observant l'endroit où l'échange devait avoir lieu, Ryan tapait du pied au sol, sa casquette affreuse remonté sur la gueule. Il croyait avoir le style rebelle mais au final, il avait juste l'air d'un clodo perdu. Ce qui n'était pas totalement erroné vu qu'il squattait le canapé du O'Reilly premier du nom depuis un bout de temps maintenant. Berkley commençait à s'impatienter mais il sentit une présence s'asseoir à côté. Enfin. "T'en as mis du temps ce coup ci. T'étais en train de préparer un dîner romantique à Mickey ou quoi? J'ai besoin de toi, vieux. Y a une affaire à gérer. Du pognon à se faire. Et me ressors pas ton excuse de je me suis rangé, ça marche pas avec moi ça." Il tourna son regard océan vers son collègue, son sourire narquois aux lèvres. Ouais, de temps en temps, on avait envie de le gifler mais personne n'osait jamais vraiment. Allez savoir pourquoi.

Ah putain, il voulait tellement se défoncer qu'il commençait sérieusement à envisager de sniffer de la colle. Ouais, Ryan en était là dans ses pensées du moment et c'était franchement pas beau à voir. On l'avait habitué à deux doses par jour, et encore, ça dépendait des fameux jours, le week end, il pouvait grimper au delà de la limite du raisonnable et frôler l'overdose. On lui avait pas menti quand on lui avait dit que commencer, c'était se buter lentement mais sûrement. Ryan avait une maladie, il était addict et ce taré n'était pas prêt de se soigner. Il avait jamais vraiment eu de volonté et c'était pas en fréquentant Mason tous les jours de la semaine, quand il était dans les parages, qu'il allait arranger son cas. La vérité, c'était que Berkley arrivait même plus à faire face à son reflet dans le miroir. La seule façon pour lui d'y arriver, c'était quand il se voyait en trente six fois, intensément flou et avec un sourire hagard sur les lèvres parce qu'il était plus très sûr de s'appeler Ryan en réalité. La haine le poussait à devenir cinglé, à se détruire toujours un peu plus mais même ça, ce n'était même plus suffisant. Ryan voulait entrer les autres dans sa spirale et avec Mason, c'était tellement simple. Non, d'autres gens. Que le monde entier se ruine au nom de cette haine violente qu'il se vouait depuis que son père avait renié son existence, que sa mère était morte et que sa belle mère le frappait juste parce qu'il était trop blond pour elle. Sa famille avait tout emporté sur son passage et ce n'était que des miettes de Ryan Berkley que les gens qu'il avait adoptés implicitement récoltaient.
Brandon était l'un de ceux là, un de ses hommes qui avaient dû faire avec le fait qu'il était là. Toujours là, comme un microbe dont on n'arrivait pas à se débarrasser après un mauvais rhume. Il squattait le canapé de Mickey, matait la télévision jusqu'aux heures avancées de la nuit et bien souvent, il mettait le son à fond pour pas entendre ce qui venait de la chambre. Le matin, c'était un cadavre qu'on trouvait sur le divan mais il se levait pas avant quatorze heures, quand il ne travaillait pas sinon Ryan faisait un peu d'effort. Et voilà, il croisait Bran' au quotidien et c'était à se demander comment il pouvait encore répondre au téléphone quand il tombait sur le célèbre nom Ryan sur l'écran. C'était un miracle en soi mais Berkley en était bien heureux parce que Reynolds était un pro des affaires bien faites, là où lui pêchait vraiment avec la calamité O'Reilly.

Il était dans le parc depuis qu'il était debout. Soit environ trois heures et le pauvre Berkley avait déjà la tête remplie d'idées à la con pour s'en sortir avec quelques doses gratuites en plus. Ce qu'il oubliait dans cette affaire, c'était qu'il avait des milliers de dettes qui l'attendaient à la porte de chez Mickey mais il avait une mémoire sélective. Dans tous les cas, Ryan était inconscient et personne n'avait l'air d'avoir envie de le faire changer alors, il pouvait aisément se faire le coup du siècle, là, aujourd'hui. Le problème, c'était que tout seul, il était franchement minable et Mase avait disparu depuis bon nombre de jours, Ryan avait d'ailleurs arrêté de compter. Sa dernière solution et pas des moindres, c'était Bran. C'était un roi ce mec, un vrai et il se disait à la retraite. Quelle connerie. Il avait suffi que Mickey, le bon flic, se ramène pour que Reynolds devienne Jésus ou quelqu'un du style. Ryan n'acceptait pas tellement la situation alors il avait tenté de jouer au filou pour que l'archiviste se ramène. Bingo. Il était là à lui sortir des conneries typiques et Ryan souriait comme un illuminé, même si, bordel, ça le gênait dès qu'il mentionnait ses histoires de carabine avec le bûcheron. "Je me disais bien que les pipes, c'était plus ton genre que les bougies... Quoique..." Ouais, non, il allait chasser l'image avant de crever de sa connerie. De toute façon, Ryan était pas là pour se la jouer Pascal le grand frère, il avait une mission sur les bras. Détrousser le dealer qui faisait sa ronde depuis un quart d'heure dans l'attente de son client, y avait pas de place pour Mickey, sa bûche ou la carabine de Bran' dans cette histoire. "C'est pas un plan foireux, c'est hyper élaboré, j'te jure. Tu vois le déglingué là bas? Dans genre dix minutes, il devrait faire une transaction de poudre à un autre illuminé. Faut qu'on lui pique sa came, mec, il paraît que c'la meilleure du coin... Et tu sais comme moi qu'n a besoin d'être au courant de ce que produit l'ennemi. Y a un business à faire tourner, Bran, tu peux pas me laisser dans la merde." Mais quel baratin. Il avait juste envie de se défoncer, gratos. C'était ça un junkie, on pouvait pas leur faire confiance. Mais pourtant, Ryan se croyait sincère. Il adorait Bran, sincèrement et il espérait qu'il changerait d'avis sur sa retraite anticipée. "T'es le meilleur arnaqueur du business; Tu peux pas gâcher ton talent pour une histoire de queue, c'pas déontologique, mec." Il avait même utilisé un mot intelligent pour faire passer la pilule tranquillement. Parfois, il abusait sérieusement.