(M/LIBRE) BOB MORLEY

« Adam ! Adam, attends moi ! » La fillette descend les marches de marbre en courant. Le garçon, la main posée sur la poignée de la grande porte d'entrée, se retourne nonchalamment. « Juliet, tais-toi ! » Elle s'arrêta subitement en bas des escaliers, posant un regard mesquin sur son frère. « Pourquoi, Adam ? Papa et maman ne sont pas au courant que tu sors ? » Elle fit quelques pas dans la direction de son aînée, un sourire mauvais ayant fait son apparition au coin des lèvres de Juliet. Elle croisa ses mains dans le dos et continua d'un air angélique. « Ce n'est pas bien ce que tu fais, Adam. Papa ne serait pas content d'apprendre que... » Le garçon leva les yeux au ciel et soupira. « D'accord, tu peux venir avec moi... » Il avait l'habitude de sortir de chez lui sans demander l'autorisation à ses parents. Adam avait aussi l'habitude que sa soeur le surprenne au dernier moment et lui fasse du chantage. La gamine poussa un cri de victoire et se jeta à la suite de son aîné. Ils sortirent sur le perron et Adam referma doucement la porte. Tels des voleurs, ils descendirent l'allée, ouvrirent le portail et se retrouvèrent sur le trottoir. Adam rangea ses mains dans ses poches, sûr que Juliet allait lui tendre sa main pour qu'il la prenne. « Tu vois pas Holland aujourd'hui ? » Juliet secoua la tête. « Non, elle a un repas de famille. » Adam hocha la tête silencieusement. Il se passait rarement un jour sans que les cadettes Scott et Appleby se voient, et dans ces cas là, Juliet rappliquaient au près de son frère. Le reste du trajet continua en silence. Finalement, ils arrivèrent au parc où les attendaient les amis d'Adam. Ils firent la grimace quand ils aperçurent la fillette arriver en courant. Adam se contenta d'hocher les épaules, observant sa soeur qui se dépêchait de monter sur le toboggan. Même si elle le faisait chanter, qu'elle le tourmentait, Juliet était sa soeur. Même si elle l'énervait la plupart du temps, Adam l'aimait.

L'oreille plaquée contre la porte en bois, Juliet tentait d'écouter ce qui se passait à l'intérieur du bureau de son père. Mais tout ce qu'elle distinguait, c'étaient les cris paternels étouffés par le bois. De temps en temps, la voix d'Adam se faisait également entendre mais Mr. Scott reprenait immédiatement le dessus. Cela faisait des heures qu'Adam et ses parents s'étaient enfermés. Des heures que Juliet tentait de saisir les propos de la dispute. Ces dernières étaient de plus en plus fréquentes entre l'aîné et le père de Juliet mais celle-ci semblait plus violent que les autres. Mrs. Scott se trouvait elle aussi à l'intérieur du bureau, mais elle ne semblait pas se manifester. De derrière la porte, la cadette imaginait la scène : son père furieux, derrière son bureau, sa mère se tenant derrière lui et regardait la scène d'un air absent et Adam, seul face à ses parents qui tentait de faire valoir ses droits. La bataille était perdue d'avance.
Un raclement de chaise. Des pas furieux. La porte qui s'ouvre et Juliet qui trébuche. « Juliet, tu ne devrais pas être là ma chérie. » Prenant sa fille par les épaules, Mrs. Scott lui fit faire quelques pas dans la direction opposée quand Adam sortit à son tour du bureau paternel. Sans un mot, sans un regard, il monta le grand escalier tel une furie. « Adam ! » Juliet se dégagea de l'emprise de sa mère et courut à la suite de son frère sans entendre les protestations de sa mère. Adam rentra dans sa chambre et claqua violemment la porte alors que Juliet venait tout juste d'atteindre le palier. Elle se précipita dans la chambre de son aîné, sans prendre la peine de frapper. A l'intérieur, Adam s'activait furieusement. Elle n'avait jamais vu son frère ainsi. Lui qui était toujours calme et réfléchi semblait hors-de-lui. Elle resta interdite sur le pas de la porte. « Adam ? » Elle l'observait qui remplissait un sac de voyage posait sur son grand lit. « Adam ? » S'il l'avait remarqué, il ne prenait pas la peine de lui répondre. Juliet fit un pas vers son frère. « Adam ! » Celui-ci s'arrêta un instant. Mais il ne répondit rien et reprit son activité. Juliet contourna le lit et se posta face à lui. « Adam ! » Cette fois-ci, il leva les yeux et croisa le regard apeurée de sa soeur. Il posa le t-shirt qu'il tenait à la main et poussa un long soupir. « Jul... » commença-t-il avant que sa soeur ne le coupe. « Tu t'en vas ? » Elle monta dans les aigus sans le vouloir, sa voix se brisa. Cette dispute n'était pas comme les autres. Adam n'avait jamais fait son sac. Il ne l'avait jamais regardé de cet air désolé. « Oui. » finit-il par répondre, d'une voix sèche, sans émotion. Son visage redevint impassible et il recommença à faire son sac. « Y'en a marre que les parents contrôlent ma vie. » Il ne regardait plus Juliet. Elle, ne voyait que lui, que ses mains s'activant pour fermer la fermeture de son sac. Ce dernier atterrit sur l'épaule d'Adam. Juliet contourna de nouveau le lit et se plaça entre son frère et la porte de sa chambre, les bras en croix, tentant de l'empêcher de passer. « Alors, tu m'abandonnes ? » Il détourna le regard, le posa par tête. Juliet hocha la tête tandis qu'il la dépassait. Il passa la porte, sans un dernier regard pour elle et disparut dans le couloir. Elle se rua à la porte et alors qu'elle le voyait descendre les escaliers, lui cria une dernière phrase emplie de rage.  Très bien, va-t-en, mais ne reviens jamais ! Tu m'entends, Adam ? Ne reviens jamais me voir ! »
Juliet pleura le reste de l'après-midi, accroupie au milieu de la chambre d'Adam. Ni son père, ni sa mère ne vinrent la déranger. Mais elle les entendait passer et repasser sans cesse dans le couloir, s'arrêtant devant la porte de la chambre avant de repartir. Cet après-midi là fut la dernière fois que Juliet vit Adam, qu'elle lui parla et qu'elle eut des nouvelles de lui. Depuis, Adam est devenu un fantôme. Elle n'a plus jamais reparlé de lui, faisant comme si le frère qui l'avait abandonné un après-midi d'automne n'avait jamais existé.