#777, qui ne tente rien n'a rien. (w. genesis)

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qui ne tente rien n'a rien

genesis/navy

Debout devant l’immeuble imposant, Navy se mord la lèvre. Il hésite encore. Il a fait tout ce chemin pour peser une nouvelle fois le pour et le contre. Pourtant, ce n’est pas si compliqué que cela, il ne lui reste plus qu’à sonner à une simple porte. Un geste banal. Rien de bien compliqué. Les difficultés sont toutes derrière lui, à présent. Effectivement, il a dû user de beaucoup de patience pour arriver à mettre la main sur la femme qu’il recherchait. Moteurs de recherche, coups de fils, mails… Navy avait mis pas mal de choses en œuvre pour arriver à ses fins. Cela lui avait pris du temps et de l’énergie : deux choses qu’il partage déjà habituellement entre ses études et ses différents petits boulots. Cependant, cela avait payé. En ce mercredi 16 juillet, il touchait enfin son but. Au fond, il espérait qu’elle ne le prenne pas pour un psychopathe. Lorsqu’on ne connait rien de l’histoire, c’est l’image que cela peut renvoyer : un jeune gars qui cherche à tout prix à retrouver une femme. On pourrait même juger cela malsain comme démarche. Cependant, il n’avait pas de mauvaises intentions, loin de là même. D’ailleurs, dans sa vie, il n’avait pas beaucoup eu de mauvaises intentions. C’est un bon gars, bien éduqué qui fait son petit bonhomme de chemin sans importuner les autres. Ses parents lui ont appris le respect d’autrui, une valeur qu’il cultive encore aujourd’hui. Au fond, c’est bien ce qui le bloque le plus. Il ne souhaite pas déranger Genesis - c’est comme ça qu’il a appris qu’elle s’appelait. Avec toutes les recherches qu’il a fait à son sujet, il a pu comprendre que la trentenaire n’avait pas une vie des plus simples. Elle avait un travail prenant : agent au FBI et le soir, en rentrant chez elle, une seconde journée commençait puisqu’elle était mère célibataire. D’ailleurs, si ça se trouve, elle ne serait même pas chez elle ou alors, il allait interrompre un moment mère-fils.
Lui, sa mère, il ne l’a plus. Enfin, si, mais étant donné son état psychologique, il ne partage plus rien avec elle. Il la voit seulement une fois par an lorsqu’il retourne à Portland et qu’il lui rend visite dans cet hôpital de fous qui est sa résidence permanente depuis de nombreuses années. Alors, il connait la valeur de ces petits instants entre une mère et son fils. Même si ils peuvent paraitre sans importance, ils le sont tous de façon ou d’une autre. C’est juste qu’on ne s’en rend pas forcément compte. Bref. Il secoue la tête de manière à chasser ces mauvaises pensées qui l’accablent. Navy est du genre à ne voir que le présent et le futur. Son passé, il le laisse derrière lui partant du principe que de toutes façons, il ne reviendra pas. Justement, c’est son futur qui l’amenait dans Capitol Hill, un quartier qu’il n’avait pas pour habitude de fréquenter. Il n’y mettait que très rarement les pieds, n’y voyant pas grand intérêt. Au moins, il pouvait se vanter d’avoir trouvé plutôt facilement l’adresse qu’il désirait. Il faut dire que les arrêts de métro répondent en nombre. Un métro qu’il n’a d’ailleurs pas trouvé nécessaire de payer. Ils étaient des millions dans ce cas-là. De plus, le jeune brun ne s’est jamais fait prendre ce qui l’incite toujours à continuer ses déplacements illégaux. Ce n’est pas qu’il aime particulièrement le danger, l’idée de se faire prendre sur le fait accompli, c’est plutôt qu’il n’a pas un gros salaire et par conséquent, chaque dollar gagné est une victoire. Il préférerait de loin être blindé de tunes et pouvoir acheter un ticket à chaque déplacement. Enfin, c’est la vie. Il n’est pas du genre à se plaindre.
Finalement, il avance vers l’entrée du bâtiment. Mince, il n’est pas venu pour admirer la vue ! Il a un objectif à atteindre et si près du but, il se doit au moins d’essayer. Qui ne tente rien n’a rien, comme on dit. Alors qu’il parcoure attentivement les noms inscrits sur les interphones - dieu, il y en a un sacré paquet ! - une dame déjà dans un âge bien avancé sort de la bâtisse. Il en profite alors pour s’introduire dans le hall avant que la grosse porte ne se referme. Étape une réglée, il n’avait même pas eu à sonner chez Genesis. Cependant, il lui restait encore un problème et pas des moindres : trouver le numéro de l’appartement de la femme. Effectivement, il n’était pas parvenu à obtenir son adresse complète. Cependant, avec son identité et les boites aux lettres se trouvant devant lui, cela ne devrait pas être un soucis de taille. Sans plus attendre, il examina les multiples prénoms des locataires. Bingo ! Genesis Winston au 777. Un numéro facile à retenir. Reste à savoir où se situe l’appartement 777... Il se voyait mal parcourir tous les étages de l’immeuble même si il en serait capable.
Après une recherche de quelques minutes, il se trouve devant la porte où le numéro 777 est gravé. Cela ne fait aucun doute, c’est bien le bon appartement. Il entend son cœur palpiter un peu plus rapidement que d’habitude, il est tendu. Comment va-t-il être reçu ? Il n’en savait rien. A vrai dire, même si Genesis l’envoyait bouler, il comprendrait. Il était temps d’être courageux. Navy sort ses mains de ses poches et après une légère inspiration, il se lance et frappe deux coups contre la belle porte. C’est fait. A présent, il ne peut plus reculer. Du moins, il pourrait prendre ses jambes à son coup et cela ressemblerait juste à une blague d’adolescent mais il le savait : cette Genesis Winston pouvait être un atout de taille concernant ses ambitions pour le futur.

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Ascendant meat, however illusory our identities are, we craft those identities by making value judgements. Everybody judges all the time. Now, you got a problem with that, you're living wrong. .▶ play

Les images se superposaient lentement sous ses yeux azurs perturbés, au loin, un vague mirage sonore : Le générique du Disney favoris de son fils. Ses doigts caressaient chacune de ses tempes qui bourdonnaient. On avait toujours dit à Genesis que chaque flic avait sa limite, si certains supportaient aisément la vision et l'odeur d'une vingtaine de cadavres avant de commencer à flancher, pour d'autres c'était une autre histoire, le simple fait de croiser le regard d'un mort finissait par les détruire psychologiquement aussi facilement qu'une brindille se briserait en deux au milieu d'un orage. C'était ça la psyché humaine, quelque chose qu'on pouvait saisir du bout des doigts, sans réellement l'attraper. Genesis, elle, avait tenu le coup, en passant d'abord par ce sentiment d'impuissance qui la poursuivait lorsqu'elle n'était qu'une simple recrue à la criminel, spécialisée dans les disparitions, elle avait dû apprendre à tirer sa révérence lorsqu'une personne ne souhaitait pas réellement être retrouvée et elle avait aussi dû apprendre à faire la différence entre une disparition qui cachait une affaire sordide à une simple fuite. Un simple raz-le-bol. Puis, elle était entrée au FBI, tout était plus concret et d'une certainement façon plus sanglant. Néanmoins, elle avait su faire preuve de sang froid même s'il s'agissait d'un crime à vous faire vomir votre petit déjeuner. Puis. Elle était devenue maman et là, elle avait croisé la route de sa limite, la sienne. Les homicides ou violes qui concernaient des enfants étaient certainement les affaires qu'elle n'arrivait plus à supporter. À l'instant même où ses doigts caressaient sa peau brûlante, que son regard n'arrivait pas à se détacher de l'écran éblouissant de son nouvel ordinateur portable, elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer qu'à la place de ces enfants éparpillés ventres contre le sol, il y aurait pu avoir son fils.

Après tout. Tout n'était qu'une question de roulement hasardeux, poursuivie par une pulsion meurtrière. Il suffisait d'un soir où elle rentrerait trop tôt ou trop tard pour que les monstres ne jettent sur la petite tête blonde qui ne quittait plus des yeux son dessin animé préféré. Les doigts de la profiler retombèrent lourdement sur son bureau, un soupire tranchant l'air d'un coup de couteau, sa main entourait la petite souris noir de marque et le pointeur décida enfin à fermer le dossier qui la tourmentait depuis plus d'une heure. Ses perles azures toisèrent l'horloge high-tech qui se trouvait dans son vaste salon typiquement américain. À peine plus de vingt-et-une heure. La journée avait été longue, très longue, son patron avait décidé de la congédier pour la nuit, la blonde semblait ailleurs depuis quelques temps. Et c'était certainement peu de le dire. Elle croulait sous une avalanche d'émotion qui allait certainement bientôt creuser sa tombe. Sa nuque lui paraissait être aussi lourde qu'une enclume et d'un geste vif elle referma son écran contre son clavier. L'ordinateur bourdonnait grossièrement avant de sombrer dans un silence morbide. Genesis se leva péniblement, une main contre le creux de ses reins, elle aurait certainement pu tuer quelqu'un pour un bon bain, mais se ravisa assez vite lorsque son regard se posa sur la bouteille de vin presque vide qui se trouvait sur son plan de travail. Elle alla jusqu'à cette dernière entourant la bouteille verte d'une poigne de fer et déversa le liquide rouge dans un verre qui s'était perdu en route. Portant le breuvage jusqu'à ses lèvres, elle se dirigea d'un pas lourd et éreinté jusqu'au canapé blanc où son petit Priam était en train de piquer du nez. Leur petit chiot avait posé son museau sur les jambes du petit garçon, comme si l'animal cherchait à protéger l'enfant du moindre danger et ce constant fit sourire la jeune femme. Assise sur le cuir blanc et moelleux, elle prit soin de déboutonner son chemisier azur de quelques boutons, lâchant au passage sa toison d'or qui dansait le long de ses omoplates. Le liquide rouge qui noyait son œsophage la soulageait quelque peu, ces derniers jours c'était devenu son seul réconfort, la seule petite chose qui pouvait l'empêcher de penser au père de son enfant et à ses phrases poignantes et affligeantes qu'elle avait dû encaisser sans rechigner, sans même cligner des yeux. C'était épuisant d'être elle.

Ses pupilles voguaient du dessin animé à son fils, s'embrumant au fil des gorgées tandis que sa main caressait le dos de l'enfant. Un moment privilégié entre deux tourments et pourtant le destin en jugeait qu'elle n'avait pas le droit au repos lorsque la douce mélodie agaçante d'un poing cognant contre sa porte la fit sursauter. Le chiot avait la queue relevée, les oreilles suivaient, le museau curieux. Il jappait, craintif. Genesis caressa du bout des doigts l'animal aux yeux azurs et se leva, verre toujours dans le creux de sa main. Elle se pencha jusqu'au judas de sa porte fronçant ses sourcils pour y distinguer une silhouette sombre, svelte néanmoins, qui n'avait rien de féminin, peut-être juvénile. Genesis pensa en premier lieu à l'un des nombreux démarcheurs qu'elle virait parfois un peu trop froidement où un jeune homme s'étant trompé de porte. Prudente et paranoïaque comme à son habitude, elle ouvrit la porte à moitié. Penchant son visage angélique dans l'entrebâillement de cette dernière. Ce ne fut qu'après plusieurs longues secondes, qu'elle affichait une mine surprise lorsqu'elle reconnue l'incongru jeune intrus. «-Navy ? » Prononçait-elle du bout des lèvres, ne dissimulant pas sa surprise. Si elle le connaissait ? Que très peu, elle avait été jadis proche du père du petit brun qui semblait nerveux. Un homme bon et comme tous les hommes bons, il était parti trop tôt laissant derrière lui un enfant et une veuve détruite. Cette pensée lui filait la nausée, alors sans même s'en rendre compte, elle avait ouvert sa porte en grand. Une espèce de boule au ventre lui tordait les organes. «-Entres je t'en pris. » D'une gestuelle féline, elle s'était décalé attendant que le jeune adulte ne soit entré avant de refermer la porte derrière elle. «-Je t'en pris, installes toi. » Sa voix douce était suivie de son menton qui désignait la cuisine. Elle ne souhaitait pas perturber son fils qui serrait si fort la photographie de son père contre lui. Genesis sortit un verre propre qu'elle disposa face au jeune homme, sur le plan de travail se trouvait quelques boissons qu'elle n'avait pas encore rangée, par manque de temps et de motivation aussi. Alors, assise sur le tabouret haut et noir de sa cuisine, elle ancra ses prunelles dans celles du garçon. «-Comment tu m'as trouvé ? Et qu'est-ce que je peux faire pour toi ? » Elle aurait certainement pu commencer avec mieux, des phrases types toutes trouvées dans un manuel de psychologie avec en gros titre comment parler à un jeune homme en deuil. Mais Genesis n'était pas de ce genre et puis sa paranoïa la rongeait petit à petit. Comment pouvait-elle se croire en sécurité ici, loin du tueur en série qui l'avait détruite et de qui elle protégeait son fils, si même un môme comme Navy avait réussi à la retrouver. Une nouvelle gorgée de vin glissait le long de sa gorge, s'embrumer la tête pour oublier, noyer ses souffrances.