« Hansen ! Dans mon bureau ! Maintenant !» Je levais alors le nez de mon avion. A entendre ce ton, ça allait encore être ma fête. Qu’est ce que j’avais bien pu encore faire cette fois-ci ?!
« Oui mon colonel » Autorité. Autorité. Un jour, je donnerais des ordres et j’en ferais baver aux autres, comme il s’amusait à le faire avec toute l’escouade. Arrivé dans le bureau de mon supérieur, je vis une jeune femme, militaire visiblement, et jolie qui plus est.
« J’vous présente le sergent Anna Davis, à partir de maintenant, elle est affectée à votre équipe et sous votre responsabilité » Sérieusement ? j’en avais pas assez avec mes dix gars ?! Qu’il fallait en plus qu’on me rajoute une fille ? Je levais machinalement les yeux au ciel, gérer une équipe n’était déjà pas évident, alors si on me rajoutait quelqu’un, une fille et sergent en plus, ça risquait de se compliquer.
« Mon colonel, sauf votre respect, j’ai déjà une équipe complète à gérer ! » Evidemment, lui n’allait pas l’entendre de cette oreille, ça aurait été trop beau.
« Hansen, je ne vous laisse pas le choix et avoir une fille dans votre équipe ne vous fera pas de mal » Une fille dans une équipe de mecs. Elle allait se sentir seule, et connaissant les gars, soit ils allaient faire des vannes douteuses, soit ils allaient lui sauter dessus. Rien de bon pour la cohésion d’une équipe en somme. Au fond, c’était pour son bien si j’avais quelques réticences à la voir intégrer mon équipe.
« et puis il parait que vous êtes le meilleur pilote de l’unité, si je dois risquer ma vie, autant le faire avec vous ! » Elle ouvrit la bouche. Jolie voix. Mais pour dire des conneries pareilles autant se taire.
« Vous faites quoi dans l’armée si ce n’est risquer votre vie ? Vous croyez quoi ? Qu’on ne fait que des vols juste pour le plaisir de laisser des traces de fumée dans le ciel ? » ça y est j’étais énervé. Déjà que je voulais pas d’un membre supplémentaire dans mon équipe, il avait fallu qu’elle rajoute son grain de sel.
« Ce, ce n’est pas ce que j’ai dit » Non, juste sous entendu.
« Hansen ! On se calme sinon je te colle au nettoyage des avions » Je soupirais. Génial. Visiblement j’allais devoir faire avec sa présence.
« C’est bon, j’me calme, et toi, t’as intérêt à faire ce que je dis, un pas de travers et c’est dehors ! »« Sérieusement Matthew ! Après tout ce que tu m’as appris, j’crois que j’peux prendre la tête de la mission c’te fois ci ! » Je soupirais. Non Non et non. Et puis quoi encore ? Même si c’était une mission de routine, une petite surveillance de rien du tout, il était hors de question de la laisser prendre la tête de la mission !
« certainement pas Anna ! Tu n’es pas prête ! » Et tu ne le seras que quand je l’aurais décidé aurais-je peut être du ajouter.
« Eh ! j’ai quand même les 200h de vol au compteur ! » Pas grand-chose. Et puis, elle n’était encore que sergent, simple sergent, c’était trop tôt pour prendre ce genre de risques.
« ça suffit pas ! 200h, c’est rien quand t’es au combat ! » Surtout qu’ensemble, on avait fait que des petites missions, des trucs pas vraiment dangereux en soit
« Blablabla, t’as fini de me traiter comme ta copine ?! J’croyais qu’on avait dit au boulot c’est collègues ! » Et voilà, on en revenait toujours au même problème. Elle pensait que je la protégeais simplement parce que j’étais, fallait le dire, fou amoureux d’elle. Et en soit, elle avait peut être bien raison. S’il y avait une vie par-dessus toutes les autres que je voulais protéger, c’était la sienne.
« Et alors, ça change quelque chose ? t’as pas assez d’heures de vol. Point barre ! » Depuis que nous nous étions rencontrés, nous avions été en désaccord sur beaucoup de choses, mais pourtant, rien ne nous avez empêchés de nous rapprocher. Au point d’être aujourd’hui un couple. Forcément, ce n’était pas évidant sur le camp. Un coup l’un était en mission, un coup c’était l’autre, avec au fond toujours cette appréhension qu’il se passe quelque chose.
« Tu m’énerves Matthew ! » Machinalement, je déposais un baiser sur ses lèvres. Comme pour la faire taire.
« Je sais, et c’est pour ça que tu m’aimes. » Elle soupira. Forcément, elle connaissait très bien ce petit manège. Le coup du bisou, pour dire, c’est bon tais toi, tu me soules là.
« T’en fais pas vas, t’auras ton heure de gloire princesse, d’ici quelques années ! » Laisser le temps au temps. De l’expérience, c’est tout ce qu’il manquait à Anna. Elle était douée, c’était certain, mais pas encore au point de partir en tête de course. Je profitais alors de cet instant seuls tous les deux dans l’entrepôt pour prendre Anna dans mes bras.
« Tu crois qu’on devrait leur dire ? Pour nous deux ?! » C’est vrai. Pour l’instant personne n’était au courant pour nous deux. Même pas notre colonel, et pour cause, en principe, les relations entre militaires n’étaient jamais très bien vues
« Oh t’en fais pas va, ils sont déjà au courant » Je pouffais de rire un instant. Comme si en vivant 24h sur 24h avec l’équipe, ils n’avaient pas compris le petit manège. Simplement, ils ne posaient pas de questions, ils savaient bien que cette histoire ne devait pas s’ébruiter.
« Pardon ? tu leur a dit ?! » Oh non. Pas un seul mot. Simplement, quand on bosse avec les mêmes gars depuis presque dix ans, qu’on a été à l’école ensemble, il y a un moment donné où les mots deviennent superflus. De simples regards, de simples gestes suffisent.
« J’ai pas eu besoin, ils sont suffisamment perspicaces pour comprendre tous seuls ! »« qu’est ce que vous voulez que je vous dise ?! Je vais très bien ! » Je me levais d’un bon et alla regarder ce qu’il se passait par la fenêtre.
« Faux Monsieur Hansen, sinon vous ne seriez pas là » Je levais les yeux au ciel. Alala, les psychologues et leurs bonnes paroles.
« ah parce que vous croyez qu’on m’a laissé le choix ? » Je regardais la couleur du ciel. Bleu, pas l’ombre d’un nuage. Oui, on m’avait obligé à venir ici. En fait, c’était soit j’allais à ce rendez vous, soit j’étais suspendu. Alors à choisir, autant perdre une heure chez un psy.
« Votre supérieur a jugé utile que vous veniez me voir, alors profitez-en, je ne vais pas vous juger vous savez, je suis juste là pour vous écouter ! » Et encore du blabla de psychologue.
« Justement, j’ai rien à vous dire, je me sens très bien et je vais très bien » Ce qui n’était pas totalement vrai en fait. Mais je n’avais simplement pas envie de parler à une inconnue, qui ne savait absolument rien de ma vie ni de mon métier.
« Et l’incident de l’autre jour, quand vous avez envoyé un de vos collègues à l’hôpital, vous étiez bien ce jour là ? » ça ? C’était juste un imbécile qui avait eu un mot un peu trop fort et hop le coup était parti. A ceci près que c’était pendant le service.
« J’étais énervé » Simplement.
« Et pourquoi ? » Pas besoin de rentrer dans les détails
« Arrêtez avec vos questions à la noix, vous connaissez déjà la réponse ! » D’ailleurs, là aussi ça commençait à m’énerver toute cette histoire psy.
« Certes, Monsieur Hansen, je la connais, mais je veux l’entendre de votre bouche » Vraiment ?
« Allez vous faire foutre » Voilà qui était clair, net et précis.
« Vous souffrez Monsieur Hansen, et c’est ça qui vous rend aussi agressif, vous vous sentez coupable de son décès n’est ce pas ?! » Et en plus, elle continue ?! Décidément, c’est officiel, je n’aimais pas les psy, et je crois que finalement, j’aurais préféré la suspension. De toute façon, elle allait forcément finir par me tomber dessus et ce rendez vous, c’était juste pour reculer la sanction.
« Qu’est ce que j’viens de vous dire ?! » Pourquoi. Pourquoi fallait-il qu’elle insiste.
« Vous pensez que vous auriez du être à sa place, mais ce n’est pas de votre faute, Matthew, personne ne pouvait prévoir ce qui allait se passer, ni elle, ni vous » Et là, j’avais juste envie de lui envoyer ma main dans la figure. Comme si elle ne pouvait pas la boucler 30 secondes.
« ça suffit. Oui, je me sens coupable, oui j’aurais du être à sa place, parce que c’était moi le chef de cet escadron et qu’elle était sous ma responsabilité, j’aurais jamais du la laisser prendre les devants, je savais qu’elle n’était pas prête, pas assez attentionnée à ce qui se passait autour d’elle. Et moi, moi j’aurais du voir ce missile arriver, j’aurais du faire en sorte qu’elle puisse l’éviter » Voilà, c’était dit. Elle voulait savoir, elle savait. Anna était la première personne de l’escouade qui mourrait sous mon commandement. Alors forcément je m’en voulais. Mais je m’en voulais surtout de l’avoir écouter, d’avoir céder à son regard de chien battu et de ne pas avoir été capable de la protéger aussi bien que je l’aurais voulu.
(...)
« Cher Matthew,
Si tu lis cette lettre aujourd’hui, c’est sans doute que je ne suis plus de ce monde. Je sais déjà ce que tu vas penser, et non, ce n’est certainement pas de ta faute, toi qui m’a tout appris. Si cette lettre atterrit entre tes mains, c’est sans doute aussi que mes parents ne sont plus là et que tu as déjà du recevoir la visite du notaire. Je sais, Matthew, je sais que tu vas m’en vouloir à mort après avoir lu cette lettre. Mais je n’ai pas eu le choix. Tu m’as souvent dit qu’être militaire, c’était savoir faire passer l’intérêt des autres avant le sien, savoir se sacrifier pour les autres. Et c’est ce que j’ai fait. Me sacrifier, nous sacrifier pour elle. Pour qu’elle puisse vivre sans avoir peur de ce fameux coup de téléphone, celui que tous nos parents redoutent. Arrête Matthew, je sais que tu es à de deux de froisser cette lettre et de la balancer dans la poubelle la plus proche. Mais avant de faire ça, laisse-moi finir. Tu as raison, j’ai sans doute mal agi en te cachant la naissance de ta propre fille, mais je me souviens encore de la tête de ton père quand on lui a annoncé que toi et moi allions avoir un bébé. J’aurais du te dire que oui, pendant ma permission j’avais donné naissance à cet enfant, et non pas que je l’avais perdu dans un stupide accident. J’aurais du te dire la vérité. Je le sais. Mais je ne l’ai pas fait. Pour te protéger, pour nous protéger et surtout pour la protéger elle. Je t’entends déjà râler en disant que je me trouve sans doute bien des excuses. Et tu as raison. Mais avant que tu envoies tout valser, parce que c’est ce que tu ne vas pas tarder à faire, je ne te demanderais qu’une chose, va la voir, c’est ta fille Matthew, ton sang, ta chair. Tu es la seule personne qui lui reste. Elle a besoin de toi, tout autant que tu as besoin d’elle.
Pardonnes-moi. Tendrement.
Anna » « Hansen, tu as de la visite ! » Assis dans le salon, je vis un collègue arriver, suivit par une petite fille qui me sauta dans les bras.
« Papaaaaaaaaaaaa ! » Machinalement, je regardais l’heure. 16h. Et Léanne était déjà là ?!
« T’es pas à l’école toi ?! » Je lui fis un bijou dans les cheveux et la pris dans mes bras.
« Nan, Tonton Anton est venu me chercher, et il a dit qu’il voulait te voir, il t’attend dehors ! » Ah oui c’est vrai. Pourquoi j’étais étonné déjà ?! Anton, un de mes meilleurs amis et ancien collègue à l’armée allait cherchait Léanne assez régulièrement quand j’étais de garde et il était sans doute l’un des seuls à ne jamais entrer dans la caserne. Machinalement, je me levais, la petite dans les bras, pour aller le rejoindre
« Salut mec ! » ça faisait toujours plaisir de revoir d’anciens collègues.
« Salut Matt’ alors c’est à ça que ressemble ta p’tite vie maintenant ?! » Pompier depuis maintenant 2 ans et demi, voilà à quoi ressemblait ma vie maintenant
« Eh ouais, c’est plus tranquille qu’Air force one ! » J’intervenais principalement sur des accidents, des incendies, des fuites de gaz. Mais l’avantage, c’était que je n’avais plus la responsabilité d’une équipe comme avec air force one.
« Ah ça je veux bien te croire et puis j’imagine que ça te laisse du temps pour t’occuper de Léanne aussi ! » C’était la principale raison pour laquelle j’avais quitté l’armée. Je savais que continuer dans l’armée aurait pu me mener loin, peut être même au poste qu’occupait actuellement mon père, mais je ne pouvais pas laisser tomber cette petite. Ma fille.
« C’est ça » Et ça allait rester comme ça tant que Léanne aurait besoin de son papa.
« Et sinon, toi ? qu’est ce que tu deviens ?! » Question de routine. Je savais que récemment, celui qui m’avait remplacé à la tête de l’escouade s’était fait gentiment renvoyé, et je pensais qu’Anton prendrait sa place, il l’aurait mérité en tout cas, mais ça n’avait pas été le choix du colonel.
« Toujours le n°2 de l’escouade, d’ailleurs Matthew, avec les gars, on aimerait bien que tu reviennes » Je souris légèrement, lachant par la même Léanne qui partit voir mes collègues.
« Aah, je l’attendais celle là » Evidemment, les visites de courtoisies, avec Anton, c’était rare.
« Nan mais sérieusement, celui qui t’as remplacé, il vaut rien » Un rire m’échappa. C’était beau cette loyauté quand même après presque deux ans d’absence dans les rangs de l’armée.
« Je sais, je le connais, on était à l’école ensemble, c’est un bon à rien » Et surtout une tête à claque qui vise qu’une seule chose, le poste de colonel.
« Et tu nous laisse dans les mains de ce pauvre type ?! » Comme si j’avais eu le choix.
« Arrêtes, il est compétent, juste un peu bête sur les bords » Et encore, j’étais poli.
« Non Matthew, il nous met tous en danger, il est pas net ce gars ! » Là, par contre, ça commençait à m’inquiéter. Si Anton pensait qu’il les mettait en danger, c’était que ça devait être vrai. Mais d’un autre coté, je n’avais plus vraiment mon mot à dire.
« Tiens d’ailleurs, j’ai besoin de ton avis, jette un œil sur ce plan de vol et dis moi ce que t’en penses ! » Je levais les yeux au ciel puis me dirigea vers une table afin de regarder ce fameux plan.
« Je savais bien que c’était pas juste de la courtoisie ta visite ! » Pensée confirmée, Anton était bel et bien venu avec une idée dernière la tête.
« Oh j’avais envie de voir ma petite nièce adorée aussi ! » Je dépliais le plan de vol sur une et jeta machinalement un coup d’œil
« Vous partez avec quoi comme avion ? Les rafales ? » parce que si c’était le cas, à première vue aucune raison de s’inquiéter.
« non avec un avion chasseur et trois ravitailleurs » Je fis mine de réfléchir.
« Okay » Et là, ça commençait légèrement à se compliquer.
« Alors verdict ? t’en penses quoi ?! » Donner mon avis était plutôt délicat. Clairement, moi, j’aurais choisi un autre tracé, un autre chemin avec une meilleure vue, loin de toute montagne et autre. Et Anton le savait. Forcément.
« J’aurais pas choisi ce chemin, mais ça peut être jouable si le temps est dégagé » Voilà comment dire avec tact que ce trajet me paraissait vraiment casse pipe. Et puis, j’avais aussi quelques doutes sur le niveau de carburant à utilisé. Là, à mon gout, il n’y en avait certainement pas assez.
« Matthew ! Tu rigoles ou quoi ? Avec les ravitailleurs, tu ne nous aurais jamais fait passer le triangle des Bermudes ! » Avec aucun avion je ne passais par le triangle des Bermudes. Sauf les rafales et encore, quand on était à deux ou trois avions, pas plus. Pas avec tout ce qu’on entend sur ce pseudo champ magnétique qui entourait l’endroit. Pas que j’y croyais vraiment, mais je préférais ne pas prendre de risque inutile. Contourner le triangle des Bermudes, c’était quoi, deux heures de vol en plus au maximum.
« Ah ça c’est sur, mais je ne suis plus au commandement l’escouade Anton, tu m’as demandé mon avis, je te l’ai donné, maintenant c’est à toi de voir si tu suis les ordres ou pas ! » J’allais continuer ma phrase quand l’alarme retentit. Et c’est parti pour une nouvelle sortie.
« …. Incendie en cours à l’angle de … » rapidement, je rejoins le camion pompier, déjà prêt à partir, laissant ma fille avec Anton.
« J’dois y aller, tu me gardes Léanne et on en reparle après ! » En espérant que ça n’allait pas durer trop longtemps.
Fin de la garde, sortie de la caserne. J’étais épuisé, et machinalement, j’avais proposé à Anton une soirée pizza, bière et foot. Rien de tel pour se remettre d’une garde de 24h. Ah si dormir peut être.
« Sérieusement Matt’, tu veux pas revenir ? » Et voilà que ça revenait sur le tapis. Le gars à la tête de l’escouade devait vraiment pas être aimé pour qu’Anton insiste autant.
« Et Léanne, tu y as pensé ? s’il m’arrive quelque chose, elle aura plus personne ! » Arrivés à la maison, je commandais rapidement les pizzas sur internet. J’avais déjà pensé à réintégrer l’armée. Mais Léanne m’en empêchais et puis de toute façon, jamais on me rendrait mon poste.
« Tu risques pas plus ta vie dans un avion qu’en étant pompier hein ! » Tout est relatif. Tout dépend comment on voit les choses. Le pompier peut toujours trouver une issue de secours. Le pilote, quand il est dans son avion et qu’il y a un soucis, une panne, il a peu de chance de s’en sortir.
« Oui mais en étant pompier j’ai 24h de garde et 48h de libre pour m’occuper d’elle ! » Je récupérais déjà les pizza, tout en expliquant mon point de vue à Anton. C’était déjà du dit et redit. Mais visiblement, ça ne rentrait pas. Je ne pouvais pas abandonner Léanne et repartir dans l’armée, ça serait prendre ce risque. Beaucoup trop important à mon gout.
« Papaaaaaaaaaa ! » La petite nous stoppa net dans nos explications.
« Oui ma puce ?! » elle était assise sur le comptoir de la cuisine à grignoter sa pizza.
« Ma pizza, elle est froide ! » Je souris, râleuse, comme sa mère. Je mis la pizza au micro ondes quelques instant avant de la lui rendre
« Tiens voilà princesse ! » « Merci ! Et j’peux regarder un dessin animé aussi ?! » Je l’attrapais alors pour la descendre du comptoir
« oui mais pas longtemps, y’a école demain » et qui dit école, dit dodo à 9h maximum.
« Oui papa ! » Et elle partit en direction du salon, pizza et dvd en main.
« Vous êtes mignons tous les deux ! » Anton avait tout suivi de la petite scène qui était quasiment devenue quotidienne depuis l’entrée de Léanne dans ma vie, si ce n’est qu’on ne mangeait pas des pizza tous les jours.
« Tu comprends pourquoi je peux pas revenir ?! » Là, c’était quand même clair non ?!
« Si elle était pas là, tu serais revenu hein ? » C’était une évidence. Jamais je n’aurais quitté l’armée si Léanne n’était pas entrée dans ma vie.
« Je serais jamais parti oui » Et ma vie serait toujours la même qu’il y a trois ans, avec l’absence d’Anna en prime. Finalement, en y repensant, je sais pas si j’aurais réussi à rester dans l’armée sans Anna. Elle était devenu mon pilier et son décès m’avait conduit à plusieurs évènements qui, eux, m’avaient valu une suspension. Etre pompier, c’était peut être pas si mal. Moins bien payé, certes, moins d’adrénaline, mais plus calme.
« Bon et sinon, tu songes à trouver une femme pour combler tes nuits ? » Je levais les yeux au ciel tout en buvant une gorgée de ma bière
« Bah quoi ?! Je m’intéresse à la vie de mon meilleur pote quoi ! Et puis, faudra bien que tu trouves une figure féminine pour Léanne ! » Blablabla. Que du blabla.
« Genre, depuis quand mes performances sexuelles t’intéressent ?! » J’esclaffai de rire.
« Et puis, je sais bien pour Léanne, qu’il lui faudrait un repère dans cette vie, mais tu vois, on a tellement eu de mal à trouver cet équilibre, que maintenant, je n’ai pas envie de remettre tout ça en cause en lui présentant quelqu’un » Je vis alors se dessiner un sourire en coin sur les lèvres de mon meilleur ami
« ça, ça veut dire que tu as quelqu’un en vue ! Je veux tout savoir ! » Et comme souvent, à la fin de la soirée, il savait déjà tout.