✯ ✯ ✯— and I've been calling for years and years and you never left me no messages, you never sent me no letters, you got some kind of nerve taking all I want. lost and insecure, you found me, you found me, lying on the floor, where were you? just a little late, you found me.
L'adrénaline qui court dans ses veines. Les virages qui s'enchaînent de plus en plus rapidement, les précieuses secondes qui s'égrainent à sa montre. Le temps semble s'arrêter, autant qu'il semble gagner en cadence. Son rythme cardiaque se fait effréné, alors que sa respiration est un peu plus saccadée. Sept minutes, c'est le temps qu'il faut pour arriver sur les lieux ; sept petites minutes qui filent bien vite. Sept minutes pour terminer de se préparer, pour resserrer les sangles qui maintiennent la bouteille d'air dans son dos. La seule chose qui va le tenir en vie quand il entrera dans ce bâtiment en feu. C'est dingue de se rendre compte que sa vie ne tient plus qu'à 6,3 litres d'air précisément. Pourtant, il n'a pas peur, ou du moins, il le dissimule si bien qu'il fait passer cela pour un peu de nervosité. Le bip de l'appareil respiratoire se fait entendre, signifiant par là qu'il est fonctionnel, et actuellement en attente. Alors seulement à cet instant, après de multiples contrôles croisés, Costello s'autorise une courte évasion dans ses pensées en observant le paysage défiler derrière la fenêtre. Il y voit une jeune femme qui fait son footing, puis un homme d'affaire qui marche d'un pas pressé vers sa voiture. Deux jeunes qui font encore semblant de s'aimer pour sauver les apparences. Deux petits garçons qui se chamaillent un peu plus loin. Il voit la vie qui continue, alors que la sienne s'arrête pour les minutes, voir les heures à venir. Son quotidien, vous dirait-il. Le camion de la squad 4 s'arrête, rapidement, chacun descend comme un seul homme. L'unité est sur place, tout le monde s'active, les ordres tombent.
« Costello, à la reconnaissance. » Pas le temps de hocher la tête qu'il se précipite au pas de course à l'intérieur avec les autres. Les flammes qui lèchent les murs, le grondement furieux d'un feu qui dort dans une pièce close, la fumée qui réduit grandement le champ de vision. Quand votre instinct de survie vous crie de sortir, lui reste dedans et il avance, il appelle ; pas à l'aide non, il cherche à savoir si quelqu'un est là, si quelqu'un a besoin de lui. Les parois les plus minces s'effondrent, l'électronique fond et le verre éclate, pourtant il faut continuer à avancer, jusqu'à trouver quelqu'un ; jusqu'à trouver tout le monde.
« Là, là, y'a quelqu'un ! » L'interpelle son collègue. Teddy hoche la tête, le laisse se charger de la personne en question, et lui, il continue à avancer. Toujours plus près du feu, toujours plus près du chaos. Mais il a l'habitude, vous dirait-il, la mort, il l'étreint tous les jours, il l'embrasse comme on embrasse une vieille amie après quelques années de séparation.
« A tous les engagés, dehors, maintenant. » Crache le portatif accroché à sa veste.
« Costello négatif, j'ai pas fini ma reco – » Mais il n'a pas le temps de terminer sa phrase que le chef de bataillon reprend.
« Fin des reconnaissances, tout le monde dehors, maintenant. » Insiste le supérieur. Un instant, Teddy hésite à obéir. Parce qu'il n'arrive pas s'imaginer abandonner quelqu'un là. Il ne s'imagine pas avoir une autre mort sur sa conscience. Et à chaque fois que ce genre de dilemme cornélien se présente à lui, il ne peut s'empêcher d'imaginer que c'est peut-être sa sœur qui l'attend dans la pièce d'à côté. Sa sœur qu'il va abandonner là, à la merci des flammes qui dansent entre les meubles.
Pourtant, il sort. Parce qu'il sait qu'il doit se modérer un peu. Il sait qu'il ne peut pas se permettre de faire n'importe quoi avec sa vie. Il y a du monde qui l'attend dehors. Des amis, majoritairement. Aucune famille ne répond à l'appel, quoique, considérant Rory comme sa petite sœur de substitution, c'est presque pareil. Arizona ? Arizona non plus, il ne peut pas l'abandonner. Il a promis qu'il serait là pour elle. Alors s'il essaye de ne pas se foutre en l'air, c'est pour lui. Mais c'est surtout pour eux, qu'il fait attention désormais. Il atteint rapidement la sortie, tout le monde attend dehors et il fait certainement partie des derniers à dégager de la zone. Immédiatement, il enlève la pièce faciale, parce qu'il a deux mots à dire. Ou plutôt, des explications à demander.
« Je peux savoir pourquoi on m'a fait sortir ? Il restait encore deux pièces à visiter putain ! » Qu'il s'énerve bien rapidement. Mais c'est toujours comme ça avec Teddy Costello. Noir ou blanc, jamais de demi-mesure.
« Tais-toi et aide à contenir les badauds Costello. Y'a au moins quatre bouteilles de gaz dans cette baraque, ça peut péter à tout moment. » Il secoue la tête.
« On aurait pu les sortir, merde ! » Encore une fois, il se faire réprimer. Il a l'habitude, à force.
« C'est trop tard maintenant, bouge et tu vas aider les autres. » Il peste une fois de plus, mais il repose son casque sur son crâne et il s'approche à la limite de la sécurité du bâtiment, poussant des gens à reculer en leur expliquant que la situation devient dangereuse pour tout le monde. Si ça pète, il a une brève idée de l'effet de blast que ça va avoir. Il n'a pas envie que ce feu de baraque vire à la situation à multiples victimes. Alors il écarte les bras, il pousse les gens à reculer. Un type cherche à se frayer un chemin, prétextant que c'est chez lui ; il se fait rembarrer immédiatement. Mais il faut regarder à droite, à gauche, c'est pas aussi simple que ça. Bientôt, faire de la prévention ne suffit plus. Une première bouteille de gaz explose violemment, projetant nombreux débris hors de la maison.
« Allez, tout le monde recule, allez tous vous mettre à l'abris ! » Et si une majorité des personnes se dirige rapidement vers la zone sûre la plus proche, ce n'est pas le cas de tout le monde.
Comme ce garçon. Ce gars aux cheveux blonds, follement arrangés. Ce type sorti de nulle-part qui s'approche de trop près du sinistre, se pensant sûrement en sécurité. Il ne se dirige pas vers n'importe qui non, c'est vers Teddy qu'il approche. Et Costello ne s'en rend pas compte tout de suite.
« Costello, derrière le camion, ça continue à péter ! » Qu'on lui hurle. Alors il se précipite, il part en courant. Jusqu'à entendre quelqu'un derrière lui. Peut-être qu'il rêve, peut-être que c'est juste son instinct qui lui dit de se tourner. Et c'est là qu'il le voit. Le garçon avec cet air un peu surpris sur le visage. Visiblement inconscient du danger qui se les guette savamment, prêt à faire de nombreux dégâts encore. C'est à quelques pas du camion que le pompier se retourne, courant vers ce gars pour le choper presque brusquement par le bras, l'entraînant aussi vite que possible à l'écart. Autre détonation. Le souffle de l'explosion dans leur dos. Il trébuche et entraîne le jeune avec lui sous l'effet de blast, et de nombreux débris de verre leur retombent dessus, avec quelques gouttes d'eau qui s'échappent de la trajectoire horizontale des lances. L'aîné ne perd pas une seconde, il se relève, et tire sans ménagement l'autre derrière lui, comme s'il n'était qu'une vulgaire poupée de chiffon qu'il pouvait balader à son aise en la traînant par terre. Comme si elle n'avait rien d'humain. Puis, le plus rapidement possible, il s’abrite derrière un véhicule, et toujours avec la même poigne, incite l'autre à en faire autant. Plus ou moins protégés, une nouvelle explosion un peu moins violente se fait entendre. Teddy daigne enfin l'observer, lui, l'autre.
« Mais est-ce que vous êtes complètement taré ? Putain je rève ! Les balises de sécurité, vous pensez qu'c'est pour faire joli sur la voie publique ? Vous êtes inconscient ou quoi ? » Crache-t-il à son attention, le repoussant presque violemment contre le véhicule. Il ne mesure certainement pas sa force. Comme trop souvent, diraient ses supérieurs. Il dévisage le type un instant. Il s'attarde sur ses traits, et son visage se fige. Non, il doit se faire des idées. Non, ce n'est pas lui. Pourtant, ce type a quelque chose, ce petit quelque chose qui lui rappelle une personne qu'il ne connaît que trop bien. Il cligne des yeux une fois, puis deux. Son front se plisse, ses sourcils se froncent. Ses yeux s'écarquillent un peu et il a l'impression d'avoir du mal à respirer. Il a l'impression de suffoquer. Il détaille précisément cet inconnu – qui n'en est plus vraiment un, au final – puis déglutit difficilement. Un prénom hante son esprit, sept petites lettres qui renversent son cœur. Charlie. Il reste un instant sans rien dire, dubitatif. Et finalement, il recule d'un pas, et se relève, tournant le dos à ce qu'il pense être le plus jeune des frères Costello. Il s'éloigne doucement vers le camion de son équipe qui n'est qu'à quelques pas de là. Pourtant, il n'arrive pas à se replonger dans l'intervention. Il se sent mal. Il a cette espèce de boule au ventre. Ce nœud d'oxygène dans la gorge qui l'asphyxie peu à peu. Son passé qui lui saute à la face sous l'apparence de son frère. Son regard se perd dans le vague, et il n'ose pas regarder derrière lui, de peur qu'il soit toujours là. Pourtant, un de ses supérieurs le fait sortir de ses pensées.
« Costello, emmène le type voir les EMT, et toi aussi d'ailleurs t'y vas, l'équipe du truck prend le relais. » Il serre les dents, hoche un peu la tête. Puis, il se retourne finalement, à quelques pas de la voiture où il a abandonné le blond.
« Suivez-moi jusqu'à l'ambulance, les paramedics doivent vérifier que tout va bien après le blast que vous avez pris. » Et puis il se remet en route vers l'ambulance en question, faisant comme si de rien n'était. Faisant comme s'il ne l'avait pas reconnu. Faisant comme si rien de tout cela ne s'était vraiment produit. Comme si là, par terre, ce n'était pas Charlie.